vendredi 4 mai 2012

Par un beau Brunch de Printemps


Mon premier souvenir culinaire est un souvenir de cinéma. Les premiers biscuits chocolatés préparés avec ma maman, dans la cuisine à la grande table bleue, étaient recouverts d’un papier alimentaire à l’effigie de personnages Disney. Regarder une aventure de Mickey me rappelle toujours quelques effluves de chocolat légèrement vanillé. Et vice versa.
Depuis toute petite, faire la cuisine et bien manger sont liés à l’idée de raconter ou se laisser conter une histoire. Se laisser porter par un scénario et se prendre au jeu d’une mise en scène.

Dernière mise en scène à laquelle je me suis prêtée, c’est celle du "Brunch printanier" de L’atelier des Chefs Paris Péclet.
Sans suspense, le déroulé du film était annoncé. Avec une séance de 2 heures débutant à 9h30, le synopsis indiquait :
  • Œuf cocotte, tombée d'épinards, émulsion mascarpone et tomates séchées ;
  • Œuf cocotte, fricassée d'asperges et morilles ;
  • Fondue de chocolat noir grand cru, fruits de saison ;
  • Mini-burger au saumon fumé, fromage frais et cresson ;
  • Pancake fraise, basilic et sirop d'érable ;
  • Cocotte de pommes de terre grenailles, champignons et plancha de bacon.
Je m’attendais donc à suivre et appliquer ces recettes en compagnie d’une quarantaine d’inconnus et sous la direction d’un chef, L’atelier des Chefs proposant des cours de cuisine collectifs.


Le film réservait pourtant quelques rebondissements. Dispersés sur cinq stands, il s’agissait d’être autant acteurs que spectateurs des performances des chefs qui, de derrière leurs plans de travail, proposaient tantôt de découper des fraises, hacher du cresson ou râper des asperges. Préparé à l’avance, le plus gros des appareils étaient prêts à être déposés dans les œufs, sur des petits pains ou autres pancakes chauds ; le siphon était rempli de l’émulsion au mascarpone et la poche à douille de Philadelphia assoupli avec du lait et assaisonné au piment d’Espelette. Au fond de la cuisine, une cocotte mijotait, pleine du mélange pommes de terre, champignons et pois gourmands. A côté, la plancha chaude permettait de griller du bacon tandis que le chocolat, à température, attendait que l’on y trempe mangue, banane, pomme, kiwi, ananas mûres à souhait.
Sous le regard et les conseils des chefs, les petits commis d'une matinée allaient librement d’un atelier à l’autre, et ce à volonté. Entre chaque mini-séance improvisée à la demande, quelques tables permettaient de s’asseoir, déguster et se désaltérer. Nous étions, finalement, les metteurs en scène de notre propre brunch.

J’ai donc moins participé à la réalisation en tant que telle des recettes proposées que ce que j’avais pu me l’imaginer. J’ai, cependant, davantage utilisé ma fourchette – au grand damne de mon estomac, en total désaccord avec ma tendance, très prononcée, à la gourmandise. La formule resta donc ludique, agréable et intéressante car, il faut avouer que, les mets proposés me réservèrent quelques découvertes gustatives. De même, la performance des chefs est à saluer, veillant à répondre aux multiples questions sur les secrets de réalisation de chaque recette.

Le scénario de ce "Brunch printanier" s’avéra donc être à écrire, la production ayant seulement eu le soin d’apporter le cadre, le sujet et les éléments vecteurs d'une bonne histoire.

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lundi 30 avril 2012

Breakfast-club

A l’évocation du menu du petit-déjeuner, les amateurs de tradition resteront volontiers sous la couette. Que ne rateront-ils pas ? Oranges fraîchement pressées, croissants au beurre encore tout chaud d’être à peine sortis de la boulangerie, yaourt à la confiture de fraises du jardin de mamie... ? Ils auraient pourtant tort de préférer ce réveil gourmand à celui que sert l’équipe du Breakfast-club


Allumez votre radio.
Dégustez.

Avec Radiostars, Romain Lévy surprend agréablement. Après Les 11 commandements (2001), Cyprien (2009) et Coursier (2010), le cinéaste semble vouloir faire vœux de bon goût, et ce même s’il met la malbouffe en avant, sans la condamner. Mcdonald’s, M&M’s, Crunch, Coca-Cola et autres boissons énergétiques s’invitent à la table de la bande des animateurs du Breakfast-club, la « matinale » de la station de radio Blast.fm. 

Le terme de malbouffe n’a donc, en l’occurrence, rien de péjoratif. Vecteur de communication, la nourriture proscrite par le programme « manger bouger », pour ses propriétés anti-nutritionnelles, est présentée comme possibilité de faire communauté. Si de belles histoires commencent lors d’une soirée bien arrosée pour se poursuivre autour d’un apéro-Coca, tout se termine devant un Mac Morning. De l’un à l’autre, l’équipe du Breakfast-club échange et touche les gens. Et si l’on se réconcilie dans une salle d’hôpital, c’est que le malade visité eut la bonne idée de faire une overdose de boisson à base de d’hormones animales. Car l’excès, certes condamné, ne laisse pour autant pas place à l’éloge de l’équilibre. La seule nourriture saine portée à l’écran sépare. Il faudra quitter l’entourage du plateau de crudités pour que des hommes se trouvent un commun, autour d’un plateau fast-food.

Si la nourriture rassemble, c’est qu’elle est, dans Radiostars, un véritable vecteur de communication. Exit la lettre de rupture. Dans un mot inscrit sur des bonbons qui fondent dans la bouche et pas dans la main, Ben (Douglas Attal) se voit relayé au statut de « Loser » par son ex-petite amie.  Ici, la parole est une denrée comestible. Élémentaire, nous en avons besoin pour vivre, tel Arnold (Clovis Cornillac) admettant que son travail d’animateur radio, c’est toute sa vie. 
De fait le nom de l’émission est-il en accord avec son créneau horaire, investissant ainsi d’emblée une relation alimentaire à l’auditoire des breakfasteurs. Capables de se faire tatouer le nom d’une marque de gâteaux apéritifs sur le front, ils ne sont pas que de simples consommateurs chiffrés par des taux d’audiences. Humanisés, ils le sont grâce au face à face instauré avec le Breakfast-Club, investi dans une tournée estivale à travers la France.  

Radiostars dépasse le discours marketing des quelques denrées et autres marques plus ou moins visiblement reconnaissables. Faire sien et s’approprier les gens, comme la nourriture, est une démarche essentielle, dans un film qui ose la recette du « chococcino » – version revisitée du capuccino –, ou qui donne l’opportunité à un amateur de hamburger de se faire cuistot d’un soir dans la cuisine d’un fast-food.

Ce dernier film de Romain Lévy est une curiosité anti-culinaire à voir. Loin de proposer aux cuisiniers en mal d’inspiration de quoi se satisfaire avec la recette du « chocuccino », Radiostars contentera les spectateurs de cinéma décomplexés sur le menu fast-food autour duquel ils se retrouveront, à plusieurs, pour refaire le film.
 
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lundi 16 avril 2012

Rien dans l’assiette ; tout dans la tête !

Tous les ans c’est la même histoire. Le retour des beaux jours appelle la formation de cabales contre petits kilos et autres grosses rondeurs sur lesquelles on s’assoit habituellement. La perspective du maillot de bain fait fleurir les reportages papier, tv, internet visant à encourager ou culpabiliser. Il faut se mettre au régime et perdre du poids. Le cinéma est, lui aussi, régulièrement taraudé par cette actualité saisonnière. Nous en faisons d’ailleurs les frais avec le dernier film de Charlotte De Turckheim : Mince alors !
A la carte ? Pas de carte ! Mince alors ! oblige à se rabattre sur le menu de groupe, parce c’est tellement mieux de (ne pas) manger ensemble. 

Sous le prétexte d’un léger surpoids, Nina se voit offrir, par son mari, un mois de cure en groupe dans un centre d’amaigrissement. La jeune femme s’y rend bien malgré elle, déterminée à se plier au dictat de la minceur – celui de son entourage. 

Ce film ne fait l’apologie ni de l’amaigrissement ni de la cure. Maigrir, ça n’est pas dans l’assiette, mais dans la tête ; une simple question de son propre rapport au corps, qui passe avant tout par son rapport aux autres. La preuve est ainsi faite avec Nina qui trouve le courage de devenir celle qu’elle devrait être, grâce à ses nouvelles amies. 
De fait, Mince alors ! est un film de copines. Vous en aurez d'ailleurs vous-même besoin pour ne pas sombrer dans un pot de crème glacée au sortir du cinéma. Et pourtant, si vous êtes de ceux qui savent préserver des amitiés, vous épargnerez Mince alors ! à votre entourage. 


Car Charlotte De Turckheim nous affame. Mince alors ! est un vrai film de régime dans le sens où la nourriture y est quasiment proscrite. Après nous avoir dégoûtés de choses trop grasses et trop sucrées pendant les premières minutes du film, on les transforme en tabou que l’on retrouve seulement de loin en loin dans la bouche des personnages. Les quelques aliments, échappés de la censure, apparaissent à l’écran sous leur forme la plus primaire qui soit : dans des emballages cartons et autres sachets plastiques. La cuisine, la vraie, elle, est totalement grimée, dans des plans trop gros, un éclairage trop terne et un montage approximatif qui donnerait presque la nausée. A défaut de réussir quoi que ce soit, Mince alors ! excelle dans la déglamourisation de ce que nous mangeons.
On pourrait regretter cet ascétisme forcé. Pourquoi vouloir, à tout prix, nous faire culpabiliser ? C'est que la clef de l'épanouissement ne se cache pas dans notre assiette. Le spectateur prévenu devra pourtant avoir soin de trouver un remontant, en cuisinant, mangeant, savourant... sainement !

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lundi 9 avril 2012

A la recherche du sens perdu...

    • Prenez un monde.
    • Mettez-y des hommes et des femmes.
    • Mélangez.
    • Enlevez-leur, progressivement, l’odorat, le goût, l’ouïe puis la vue.
    • Servez dans la solitude et le noir total d’une salle de cinéma.

     
    Perfect Sens est une de ces douceurs cinématographiques dont la rareté nous fait apprécier la saveur exceptionnelle de films emprunts d’une poésie qui ne rime pas avec ennui.

    Contempler les choses, s’appesantir sur les êtres, ressentir le monde… que de beaux projets dont l’ambition n’est que trop souvent malmenée par des cinéastes qui plantent leur caméra et attendent que ça pousse.
    Les amateurs de graines germées ne seront donc pas les seuls à apprécier la petite cuisine de David Mackenzie. Avec un synopsis a priori propice à une cuisine indigeste, trop lourde et noyée par des sentiments bien gras, le cinéaste nous sert une salade composée rafraîchissante.
    Certes monochrome, tout l’intérêt de ce hors-d’œuvre réside dans une sauce qui, liant les différents ingrédients, exalte des saveurs ô combien particulières. Ni salée, ni sucrée, elle n’atteint des pointes d’acidité que dans son aigreur. Le mélange laisse en bouche un parfum suranné à l’envie de choses simples. De fait, ce film ne rassasie pas, au contraire, il mettrait plutôt en appétit, nous laissant avec comme un besoin de Free hugs. Si vous êtes seul, n’hésitez pas à serrer votre inconnu de voisin dans vos bras. Il n'attend que ça.

    Dans un monde en proie à une pandémie, les hommes et les femmes atteints par un mal incurable perdent progressivement leurs sens. Pour mettre en image ce processus, Perfect Sens développe l’expérience métamorphique autour de notre relation à ce que nous mangeons, rappelant ainsi que tous nos sens sont mis à contribution lors d’un repas. L’odorat étant lié au goût, comment profiter d'un plat sans pouvoir en apprécier les parfums ? Comment, même, continuer à faire du repas un moment de délectation sans plaisir gustatif ? Textures, sonorités et visuels attractifs sont repensés par Michael (Ewan McGregor), pour les clients du restaurant gastronomique dans lequel il défend la bonne cuisine et le goût simple de bons produits. L’acte de se nourrir ne doit pas devenir une pure nécessité. Bien au contraire, Michael le transforme en un moment d’échanges avec l’autre, où l’on aime à manger dans un cadre agréable, pour se laisser servir, prendre son temps, contempler la personne assise en face de soi…

    Au fil de la perte des sens, Perfect Sens se penche donc successivement sur tous les plaisirs que peut susciter la prise d’un repas. Ode à la redécouverte, dans la dissection de notre relation à l'assiette, ce film de David Mackenzie interroge notre façon de percevoir le monde et l'Autre.
    Il suffit de fermer les yeux ; goûter la quiétude d'être au monde.
      
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